« Etat d’urgence économique » au Venezuela
Quelques heures après avoir décrété l’ « état d’urgence économique » pour 60 jours le vendredi 15 janvier 2016, le président vénézuélien Nicolas Maduro s’est exprimé pour la première fois devant un Parlement qui lui est majoritairement hostile depuis la défaite de sa coalition chaviste aux élections législatives du 6 décembre 2015. L’occasion de revenir sur l’essoufflement d’un modèle.
La Banque centrale du Venezuela, qui n’avait pas donné de chiffres depuis plus d’un an, a annoncé vendredi que le pays avait enregistré entre janvier et septembre 2015 une inflation record de 108,7 % à laquelle s’ajoute une contraction du PIB de 4,5 % sur la même période, une croissance négative de -7% en 2015 et la multiplication des pénuries au quotidien. Pire, l’inflation cumulée sur un an, de septembre 2014 à septembre 2015, atteint 141,5%. Le décret de l’état d’urgence prévoit plusieurs mesures, parmi lesquelles l’utilisation par l’Etat des moyens et des services d’entreprises privées, notamment dans le transport et la distribution, pour garantir l’accès aux biens de première nécessité à l’ensemble de la population, ainsi que la limitation de l’importation et de l’exportation du bolivar, la devise vénézuélienne.
Plusieurs raisons expliquent cette envolée inflationniste. Le Venezuela, qui dispose des plus grandes réserves de pétrole du monde, a vu son économie s’effondrer ces derniers mois, au même rythme que les cours du brut, actuellement sous les 30 dollars pour le Brent. Or, près de 96% des revenus du Venezuela proviennent aujourd’hui du pétrole. De plus, soucieux de maintenir le pouvoir d’achat des plus défavorisés, son électorat principal, le gouvernement a privilégié un taux de change apprécié de façon artificielle afin de réduire le coût des importations. Cependant, un marché noir parallèle s’est mis en place sur lequel le dollar atteignait 100 fois sa valeur en 2015. En outre, lorsque les prix du pétrole ont baissé en 2009, puis en 2015, le gouvernement en place a décidé de puiser dans ses réserves internationales et s’est endetté à hauteur de 40 millions de dollars auprès de la Chine, dont la santé économique demeure fragile. Enfin, l’Etat a obligé la banque centrale à racheter la dette de l’entreprise pétrolière d’Etat, Petroleos de Venezuela.
Des réformes économiques devenues incontournables
Cette dégradation économique s’accompagne d’une crise politique pour le successeur de Chavez. Désormais, Maduro doit faire avec une assemblée dirigée par Henry Ramos Allup, leader de la coalition d’opposition Mesa de la Unidad Democràtica (MUD) et avec une opinion défavorable, caractérisée par une perte de 30 points dans les sondages. Maduro, afin de rassembler l’opinion, a décidé de jouer la carte nationaliste en s’engageant dans un conflit diplomatique contre les Etats-Unis. Caracas a, en effet, lancé une campagne de collecte de signatures contre le « décret impérialiste » américain. Ce décret a gelé les biens de plusieurs fonctionnaires vénézuéliens en plus de leur interdire l’entrée sur le territoire américain.
Cependant, les manœuvres politiques pour trouver des responsables et décrédibiliser l’opposition, plus intéressée par le renversement du pouvoir que par les questions économiques, apparaissent insuffisantes. Des réformes économiques s’imposent désormais pour le président Maduro. Parmi celles-ci, l’unification des différents taux de change officiels, l’alignement des salaires sur l’inflation pour rétablir le pouvoir d’achat et l’encouragement de l’investissement privé semblent désormais nécessaires. Plus généralement, il s’agit d’entamer une transition énergétique et économique afin de ne plus être aussi dépendant des fluctuations du prix du baril de pétrole. La diversification de l’activité économique peut passer par un encouragement de l’activité touristique au Venezuela qui s’est effondré en 2015 sur fond de corruption et d’insécurité alors que l’Amérique latine, dans son ensemble, connaît une croissance très importante dans ce domaine.